1. |
Le Suicidé
04:58
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Le Suicidé
Guillaume Apollinaire
Trois grands lys Trois grands lys sur ma tombe sans croix
Trois grands lys poudrés d'or que le vent effarouche
Arrosés seulement quand un ciel noir les douche
Majestueux et beaux comme sceptres des rois
L'un sort de ma plaie et quand un rayon le touche
Il se dresse sanglant c'est le lys des effrois
Trois grands lys Trois grands lys sur ma tombe sans croix
Trois grands lys poudrés d'or que le vent effarouche
L'autre sort de mon cœur qui souffre sur la couche
Où le rongent les vers L'autre sort de ma bouche
Sur ma tombe écartée ils se dressent tous trois
Tout seuls tout seuls et maudits comme moi je crois
Trois grands lys Trois grands lys sur ma tombe sans croix
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2. |
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Funérailles
Guillaume Apollinaire
Plantez un romarin
Et dansez sur la tombe
Car la morte est bien morte
C'est tard et la nuit tombe
Dors bien dors bien
C'est tard et la nuit tombe
Dansons dansons en rond
La morte a clos ses yeux
Que les dévots prient Dieu
Dors bien dors bien
Que les dévots prient Dieu
Cherchons-leur des prie-Dieu
La mort a fait sa ronde
Pour nous plus tard demain
Dors bien dors bien
Pour nous plus tard demain
Plantons un romarin
(...)
Ermenonville
Ermenonville, arbres tremblants,
Temple de la philosophie
Que Rousseau gagnait à pas lents,
Bien fol, bien fol est qui s'y fie.
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3. |
Venez venez fillettes
01:19
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Venez venez fillettes
Guillaume Apollinaire
Venez venez fillettes
Faut pas rester sur terre
Vaut mieux vaut mieux mourir
Et dardant un rayon
Tandis qu'elles trois courent
Après un papillon
Il enflamme les filles
Les rois fillettes brunes
Soleil Faut-il mourir
On vit trois étincelles
Et puis plus rien le rêve
Le rêve et le soleil
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4. |
Chanson
01:34
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Chanson
Guillaume Apollinaire
Je suis la rose
Fraîche et mi-close
Je me marie
Je suis flétrie
Je suis un lys
Vienne mon fils
La blanche fleur
Penche et se meurt.
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5. |
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La mort ô Vie attend son tour
Guillaume Apollinaire
La mort ô Vie attend son tour
Où fut la ville sont les Cippes
La Haine crie où fut l'Amour
L'Iris est l'Ombre des Tulipes
Comme la Nuit après le Jour
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6. |
Les Préfixes
00:39
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Jean Tardieu extrait de "Colloques et interpellations"
À mesure que je vois
j'oublie j'oublie
j'oublie tout ce que je vois.
À mesure que je pense
je dépense je dépense !
À mesure que je vis
je dévie je dévie !
Mais à mesure que je meurs
je demeure je demeure.
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7. |
Amoureux transis
03:32
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Amoureux transis
Léon-Paul Fargue
L'ami disait en pleurant
Est-ce ivresse, est-ce bonté ?
Est-ce que j'ai rop fumé ?
La clarté me fait trembler.
Voudrais-tu me consoler ?
Notre amie est trop jolie.
(Toutes ce divin sourire,
La pauvre et celle trop née
Et surtout l'infortunée.)
Ainsi fîmes-nus l'éloge
De la bien-aimée.
Et voici
Brusquement
L'on s'avisa d'être heureux.
On allait tous les deux.
Mon ami riait.
Les pauvres soldats,
Le soleil sacré,
Tout cela m'irait.
Le jet d'eau triste
Au fin stylet,
L'oiseau du kiosque
Au square bleu
Ce qui s'endort au bois joli,
Au bois tremblant
Bientôt l'église
Va célébrer.
C'étaient des égards...
On saluait Dieu.
Pour avoir goûté
La chère douceur
La chère douceur
D'être amoureux...
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8. |
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Cent-soixante-dix-sept-mille-cent-quarante-sept Haïkaï (#1)
Vincent Bouchot
-I-
Le jour se lève bientôt
Cris apeurés des oies sauvages sur l'étang
Quand soufflera pour moi le vent d'est ?
-II-
La lune est haute déjà
Le temple coloré d'ivoire brille au loin
Vienne le temps béni des semailles !
-III-
Le soleil luit clair et haut
La grenouille là-bas coasse tristement
Bientôt sonnera l'heure des doutes.
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9. |
La Cène
00:43
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La Cène
Jacques Prévert
Ils sont à table
Ils ne mangent pas
Ils ne sont pas dans leur assiette
Et leur assiette se tient toute droite
Verticalement derrière leur tête.
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10. |
L'Amiral
00:18
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1L'amiral
Jacques Prévert
L'amiral Larima
Larima quoi
La rime à rien
L'amiral Larima
L'amiral rien.
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11. |
The fat boy from Ipanema
01:27
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(...)
“Milhaud malgré sa jeunesse est déjà presque obèse; ses yeux sont encore gonflés de sommeil, ses cheveux noir corbeau très épais sont rejetés en arrière et tout son être "respire la gentillesse" comme disait mon institutrice.“
Hélène Hoppenot, journal, 21 février 1918, Rio de Janeiro.
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12. |
Profession six fois
02:58
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Profession, 6 fois
dessinateur
tracer
raturer
tirer un
trait
réi
-térer
finances (2ème arrondissement)
rue de
la paix
pue de
la raie
avocat
des mots
qui
fâchent
marin
des mâts
qui
fauchent
pêcheur
métro
bulots
dodo
agent d’entretien
voulez
-vous
m’épousseter ?
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13. |
From silent night
04:49
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From silent night
John Dowland
From silent night, true register of moanes
From saddest Soule consumde with deepest sinnes
From hart quite rent with sighes and heavie groanes
My wayling Muse her wofull worke beginnes.
And to the world brings tunes of sad despaire
Sounding nought else but sorrow, griefe and care.
Depuis la nuit silencieuse, vraie source des gémissements,
Depuis l'âme la plus triste, consumée par les plus graves péchés,
Depuis un cœur habité par des soupirs et de lourdes plaintes,
Ma muse lamentable commence son travail de souffrance,
Apportant au monde des airs de triste désespoir
Qui ne sont que peines, tourments et chagrins.
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14. |
Temple ancien
05:21
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Temple ancien
Vincent Bouchot (étude nasale)
Tintant dans l'ample encan d'un temple ancien
On entend, fronçant l'enchantant donjon,
Un son lointain plein d'intense intention,
(Zonzon hantant, dans mon tympan)
Un "Dong ! Dong !" semblant sans fin, sans fond,
Fringuant, c'pendant, sans componction.
Un crincrin, pinçant tintouin ? Non !
Un pimpant pinson ? Un dindon ? Un paon ? Non point !
Un son ronflant, onction genre onguent.
Franck ? Saint-Saëns ? non, non.
Un long instant semblant Saint-Glinglin.
Enfin un ange, un bambin blond, entre en dansant
Bombant en vain son sein,
Chantant un plain-chant empruntant bon train
Cent centons sentant bon l'encens.
Montant d'un cran dans l'intense injonction :
"Saint ! Saint ! Saint !" tente enfin l'ingambe enfant.
"Viens, Vincent, montons, fonçons !"
Dans l'inconstant blanc d'un grand lin d'onze empans
Monte un incendiant ton brun
Rendant l'ensemble ombre intense en son encre.
Fin.
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15. |
Maman aux roses blanches
02:15
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Maman aux roses blanches
Roland Topor, Recettes cannibales
Embrassez maman sur les deux joues, puis coupez-la en deux. Jetez dessus de l'eau bouillante, ôtez la tête qui sourit avec bonté, la colonne vertébrale et tous les os qui peuvent être ôtés. Préparez des pommes de terre cuites à l'eau que vous couperez en rond et que vous mettrez en salade, mélangez des petits bouts de maman à la salade. Arrosez d'huile d'olive. Vous n'oublierez pas de glisser quelques roses blanches sous le plat, elles protègeront la nappe et puis... Maman les aimait tant.
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16. |
Le Myope au gratin
01:19
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Le Myope au gratin
Roland Topor, Recettes cannibales
Le myope ressemble au presbyte seulement il a les yeux plus gros et une raie au milieu. Ses lunettes doivent être enlevées afin qu'il tombe dans le gratin. Il se prépare comme le cabillaud.
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17. |
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Pieds de majorettes aux œufs durs
Roland Topor, Recettes cannibales
Faire une vinaigrette bien relevée; coupez en petits dés les pieds de majorettes froids ayant cuit au court-bouillon; ajoutez trois œufs durs, trois ou quatre ciboulettes et un brin d'estragon
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18. |
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Cent-soixante-dix-sept-mille-cent-quarante-sept Haïkaï (#2)
Vincent Bouchot
-I-
La lune est haute déjà
Cris apeurés des oies sauvages sur l'étang
Bientôt sonnera l'heure des doutes.
-II-
Le soleil luit clair et haut
Le temple coloré d'ivoire brille au loin
Quand soufflera pour moi le vent d'est ?
-III-
Le jour se lève bientôt
La grenouille là-bas coasse tristement
Vienne le temps béni des semailles !
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19. |
A un papa (À un pape)
10:40
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A un papa (À un pape)
Pier Paolo Pasolini, La Religion de notre temps
Peu de jours avant que tu meures
La mort avait jeté les yeux sur un homme de ta génération :
À vingt ans tu étais étudiant, lui manœuvre,
Toi noble, riche, lui, un gars de la plèbe;
Mais les mêmes journées ont doré au-dessus de vous
La vieille Rome qui devenait si nouvelle.
J’ai vu sa dépouille, pauvre Zucchetto.
Il tournait en rond, ivre, vers les Marchés
Et un tram qui venait de Saint-Paul
L’a renversé et traîné un peu
sur les voies entre les platanes.
Pendant quelques heures il est resté là
Sous les roues;
Deux ou trois personnes se sont rassemblées
pour le regarder en silence
Il était tard, il y avait peu de passants.
Un de ces hommes qui existent parce que tu existes, toi,
Un vieux flic mal fagoté,
Criait aux gens qui s’approchaient trop près :
« Foutez-moi le camp ! »
Puis est arrivée l’automobile d’un hôpital pour le transporter;
Les gens sont partis, il restait quelques lambeaux ici et là
Et la patronne d’un bar de nuit
Qui le connaissait a dit à un nouveau venu
Que Zucchetto était passé sous un tram, c’était fini.
Quelques jours plus tard c’était à ton tour de finir.
Zucchetto appartenait à ton grand troupeau romain et humain
Un pauvre poivrot, sans famille et sans lit
Qui errait la nuit, vivant Dieu sait comment.
Toi, tu ne savais rien de lui,
Comme tu ne savais rien de milliers d’autres Christs comme lui.
Peut-être suis-je féroce de me demander
Pour quelle raison les gens comme Zucchetto
Étaient indignes de ton amour.
Il y a des endroits infâmes où les mères et les enfants
Vivent dans une antique poussière
Une boue d’une autre époque.
Vraiment pas loin de là où tu as vécu
(de là on voit la belle coupole de Saint-Pierre)
il y a un de ces endroits : le quartier du Jasmin;
Un amoncellement à mi-hauteur d’une carrière
Et dessous, entre un marigot et une enfilade de nouveaux immeubles,
Non pas des maisons, mais des porcheries.
Et pourtant il suffisait d’un geste, d’un mot de toi,
Pour tes enfants aient une maison.
Tu n’as pas fait un geste, tu n’as pas dit un mot.
On ne te demandait pas de pardonner Marx !
Une vague immense qui se répercute depuis des milliers de vies
Te séparait de lui, de sa religion;
Mais dans ta religion, n’est-il pas question de pitié ?
Des milliers d’hommes, sous ton pontificat,
Devant tes yeux, ont vécu dans des étables et des porcheries.
Tu le savais, pécher ne signifie pas « faire le mal ».
« Ne pas faire le bien », voilà ce que signifie pécher.
Tout ce bien que tu aurais pu faire :
Et tu ne l’as pas fait.
Tu as été le plus grand des pécheurs.
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